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Raymond Bozier et nos murs le mur les murs

lundi 28 mai 2012, par sebmenard

Le principe : à l’origine c’était une participation en ligne au site 100 jours 100 nuits - du 27 janvier au 6 mai 2012
Les interventions de Raymond Bozier sont à cette adresse.

Raymond Bozier explique lui-même son choix :

Pour ma contribution aux 100 nuits, je me suis fixé la contrainte d’utiliser à des fins de création littéraire (à raison d’une production par semaine le mercredi et sans véritablement me soucier de la période électorale), les déclinaisons et usages du mot MUR publiés dans le volume IV du Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, les mots et les associations d’idées, éditions Le Robert, 1978.

Reste que d’emblée - la couleur est annoncée - et on est dans les hauteurs du politique :

Il faudra sans doute beaucoup plus de dégâts et d’ensevelissements sous les gravats pour que les choses commencent à changer véritablement…

Avouer avoir été largement remué par cette lecture - fort mélange de discours et leur agencement comme un travail - le mot qui vient c’est polyphonique oui voilà - c’est un ensemble de voix toutes surprenantes vraiment.

Donc c’est ainsi - en partant du mur et de ses usages - filer le texte et c’est multiple : le "voyageur égaré" apparaît régulièrement - larges blocs de prose - narratifs - des échappées poétiques - des "résidus de l’écran" - les extraits du dictionnaire - c’est une façon de mêler les discours d’un réalisme surprenant :

Mortier — « Le système des médias n’est pas réformable de l’intérieur : ceux qui le contrôlent et le possèdent n’ont aucun intérêt à ce qu’il change. Ils veulent des instruments d’influence afin de diffuser leurs idées, lesquelles leur permettent d’installer indéfiniment au pouvoir le même groupe social au service des mêmes politiques. »

Serge Halimi, directeur du Monde diplomatique

Sape, brèche, lézarde, fissure

Sape, brèche, lézarde, fissure

Sape, brèche, lézarde, fissure

Sape, brèche, lézarde, fissure

Sape, brèche, lézarde, fissure

Sape, brèche, lézarde, fissure

Sape, brèche, lézarde, fissure

Sape, brèche, lézarde, fissure

(imaginer cela à l’oral - la voix répétant comme incantation ou bien monocorde - l’effet)

Le mur appelle certains pans de l’histoire - l’homme et son rapport aux murs :

Un BERLINER MAUER 1961-1989 marqué au sol rappelle, dans certains lieux de la ville, le tracé de ce rempart idéologique impitoyable (Mur de la honte pour les uns, Protection antifasciste pour les autres) qui voulait empêcher toute fuite vers le mur invisible du grand K., son argenterie, sa société du spectacle et sa libre circulation des marchandises préférée à celle des humains.

(et si seulement c’était le seul)

Quant au principe - dans cette régularité cette langue de dictionnaire - savoir s’en échapper :

(Incise : Le mur de l’argent est absent du Robert, mis hors langue officielle en quelque sorte. Pourtant, cette construction peuplée de personnages qui se dissimulent pour mieux profiter et pour lesquels seule la patrie du fric importe — Fric. n. m.(1900 : orig. obscure). Pop. V. Argent.* — produit de terribles ravages dans notre époque affolée. Face à ce mur invisible la plupart des humains sont comme ces insectes qui s’écrasent contre le pare-brise d’une voiture filant à toute allure : ils se cognent à l’obstacle sans pouvoir atteindre ses occupant-es, leur cracher à la gueule, ou leur arracher le moindre cri de détresse.)

ou bien signaler (étendre) sa richesse :

— S’accoter*, s’appuyer contre un mur ; s’adosser à un mur. Pousser quelqu’un contre un mur… — Loc. métaph. et fig. Coller au mur. V. Fusiller (cf. Au poteau, et aussi Bon, cit. 120. cf. également, dans ce sens, Le Mur, nouvelle de Sartre). — Se cogner* la tête, donner de la tête contre les murs. V. Désespérer (se). C’est à se taper la tête contre un mur !

Ce qui vient nous troubler - c’est aussi ce qui s’échappe du plus anecdotique dans une fiction déroutante :

Le mur penchait légèrement. Le voyageur exténué l’embrassa puis respira son odeur. Il écouta aussi sa respiration. Sur les trottoirs, les mouvements des passants ; sous les arbres de l’avenue, le va-et-vient des voitures ; dans les vitrines les reflets silencieux du jour ; quelques oiseaux sales dans les airs.

Ce qui s’interroge ainsi - c’est l’homme et son rapport aux structures au monde - la ville l’habitant ne sont pas loin - le mur de béton et l’espoir de la révolte ensemble aussi.

2Boite noire |2
Murs de Raymond Bozier aux éditions publie.net.

Lu sur le Mac via Firefox. Prise de note Notational Velocity.

Troublé largement par cette lecture : incapable d’en faire autre chose que ces quelques notes.

Image : Mur à Draganesti-Olt - Roumanie - d’autres disent ici que la lettre A peinture noire symbolise les immeubles possèdant un sous-sol blindé en cas d’attaque - en particulier en cas de bombardement aérien... (et l’envie de prendre le disque dur pour aller fouiller les photos du mur à Ramallah)