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journal permanent | 9 novembre 2023

jeudi 9 novembre 2023, par sebmenard

qui se demandent
s’ils peuvent encore parler
arabe dans la rue
qui me demandent
si c’est vrai que c’est
interdit maintenant


Jeudi après-midi. Ils écrivent des fenêtres. Je propose régulièrement d’écrire sur des fenêtres. Aujourd’hui, c'est une fenêtre mobile. Un trajet. H. décrit la ville. Son trajet en tramway. Puis il évoque ses pensées. C’est à chaque fois qu’il prend le tramway et se retrouve dans cette solitude commune que ça revient. Trois jours de marche depuis l’Érythrée vers le Soudan. La peur. La faim. La soif et la fatigue. Après ce sera le désert, puis la Lybie. Le bateau on n’en parle pas. Comment trouver refuge autrement ? Comment trouver refuge ? R. habite à 40 kilomètres. Il vient en car tous les jours en ville puis marche jusqu’ici. 1h45 le matin. 1h30 le soir. Tous les jours. Le paysage défile. La campagne. Les bêtes. Son rêve ? Monter à cheval. Au galop. Dans ce paysage. Et comme il sait mimer le galop. Tout le monde rit. M. écrit le mobilier urbain. Les restaurants où il ne va jamais. Les voitures, la circulation. Puis il dit la vérité. La vérité c’est qu’il ne pense rien. C’est qu’il a tout oublié. Il a oublié la Somalie, le trajet et les problèmes. C’est vite tout dedans. C’est plus rien. Juste le téléphone pour oublier. Et comme c’est une violence à lui-même et un geste de survie, comme il tente de le dire. Y. habite ici. Sa femme, son fils, à 250km. À l’abri d’une guerre, pour six mois, et encore six mois, et encore six mois. Le trajet en train au bord de la Loire est magnifique. Le fleuve transporte tout, même le souvenir des massacres dits dans le silence, par le silence. Est-ce que c’est être sauvé, vivre ici et travailler ici et six mois de papier et chercher un CDI et penser tous les jours toute la journée à sa femme son fils à 250km d’accord, réfugiés d’une guerre d’accord, mais qu’est-ce que c’est, la vie ? Un fleuve qui s’écoule et qui charrie, quoiqu’il arrive et tant que les pluies, ici ou là-bas.


est ce qu’écrire ça me fait vraiment du bien ?
car c’est ça l’essentiel

se faire du bien 


trouver une façon de rendre ça clair
est ce que c’est chercher dans le souvenir ?
donc être dans une observation
comme le souvenir on le porte 
garde trace quelque part