Un jour sur le col de Borşa (4)

Un jour sur le col de Borşa il n’existe toujours pas.

Le héros de quelle histoire pourrait alors revenir sur ses pas — régulièrement — il marcherait sur le bitume du col de Borşa — il marcherait sur les pierres et dans les herbes et il y aurait une odeur de fiente — celle des bêtes qui vont lentes sur le col entre les arbres et les roches. Il y aurait une odeur de sueur — celle des types qui vivent là qui marchent debout sur le col de Borşa — qui filent dans le vent et qui observent les bagnoles passer les trucks et les charrettes. Le héros de quelle histoire pourrait alors se tenir là — debout sur le vent — le héros de quelle histoire pourrait faire ça — et quelle histoire pour nécessiter une héros pareil.

Qu’importe — celui-ci raconterait en regardant au loin l’histoire du jour où le col ne portait pas de nom — l’histoire de la nuit — l’histoire des orages — l’histoire des mendiants et des poussières — l’histoire des verres d’alcool blanc et des viandes immondes — l’histoire des nappes bleues des néons blancs des brouillards et des bêtes — il raconterait tout — il dirait tout — dans un grand tremblé brouillon toute mélangée son histoire. Peu importe qu’on écoute ou pas son histoire du col de Borşa — ce qui compte ce jour-là : que le vent balaie la poussière là-haut — que l’un d’entre nous regarde debout vers là-bas plus à l’est sans doute et parle encore un peu — puis il dirait qu’il reviendra plus tard — il reviendra ici sur le col car c’est ici qu’il faut revenir et que les histoires déclenchent. On espère tous alors qu’à chaque fois ça sente la fiente — la sueur — les herbes et les vents.

Je m’étais finalement donner pour consigne de ne jamais mentir — que les mots soient la vie exactement la vie — je ne sais pas si on peut « suivre » ce genre de consigne — ni même s’il est utile de la suivre. Je sais encore moins s’il faut se donner des consignes.