liste des noms propres
(avec les fantômes)

Ventoline Roumanie Romania Paris Bombe H1 - Longwy Metz Strasbourg Allemagne Offenbach Battista Munich Aschau Passthun Renault Espace Autriche Marlboro Camel - Kraniska Gora Ljubjana Dynamic Radio Levi’s et Spar - Croatie Soribor Zagreb Slavistoki Brod NRJ Dinars Dinars Dinars - Belgrade Beogradska Arena - Belgrade Yugo Semendero Sava Pancevo Europe Timisoara Ceausescu 1 650 000 lei - Lugoj Bucarest Dacia Dacia - Caransebes Hateg Laz Voinasea - Lac Vidra Vidra Pensiona Antoinella - Baesecu Insolar Autriche Irak Irak Irak Irak et Chirac - Aubenas Segrena Bonnezeau Pitesti Bucarest Constanta Dacia Dacia - Mereni Illiescu Selgros et Mamaia Mamaia Mamaia Eforie Mangalia Alexandrion - Mereni Baraganu Mereni Baraganu Mereni Mamamia Mamamia Mereni Baraganu Dacia Casa Alba - Baneasa Bucarest Trattoria Constanta Autozone Bucarest Casa Populi Ceausescu Khéops Ceausescu Brasov Ploesti Brasov Brasov Bacau - Ceausescu - Herla sur la route de Roman - Maramures Sibiu Satu Mare Borsa le col de Borsa - Maramures Olna Sugazag Palinca Sapinta Satu Mare Petea Satu Mare Lidl Lidl de Sabino - Pologne Auschwitz Auschwitz II Auschwitz - Prague Traveller’s Hotel Secret Lounge Pariska Roxxy Charles’ Bridge Pont Charles et Chez Marcel à Prague - Olt Town Square Lénine Malostranke Metz Formule 1 Metz - Ouarzazate TGV Hendaye Irun Europa Café Irun Madrid - Kerouac Cassady Ginsberg Irun Espagne Algésiras Ouarzazate Zidane Kerouac et Pampelune - Café del Nucia Madrid Algésiras Khalil Gibran Khalil TGV Bière Mahou Algésiras Algésiras Algésiras Tanger - Tanger Festin Nu Tanger Kerouac Tanger - William Burroughs Maroc Mohammed 5 et Grand Socco - Tanger Fuentes Burroughs Petit Socco - Tanger Tanger Rabat Place du 6 avril 47 Tanger FC Barcelone Tanger CTM Rabat - Guide du Routard Rabat Rabat Saint Pierre Casablanca - Avenue Roudanie Beyrouth Avenue Roudanie Kusturica - Hémingway Marrakech Casa Chatwin et Moleskine - Marrakech Jemma-el-fna Koutoubia Marrakech les dirhams place Jemma-el-fna - Cigarette Marquise Koutoubia Chirac et Côte du Rhone - Marrakech - Marrakech - Marrakech - Paquet de Marquises News et Marlboro - Marrakech Constantin Cavafis et Cavafis et Cavafis - Fès - Fès clope Casa - Kerouac Cavafis Ungaretti Hezbollah RSF Stop Bombing Al Jazeera Beyrouth - Al Jazeera Chaouen Fès Chaouen CTM Chaouen - Chaouen Chaouen Chaouen et bleu Klein - Chaouen - Chaouen Marrakech Biga Biga Kerouac - SNCF Angers Paris Marne-la-Vallée Mickey Prévert Doisneau Mickey SNCF Roissy Charles-de-Gaule - Istanbul Ataturk Le Monde et place Taksim Bus Havas - Clermont-Ferrand Lyon Chambéry Triest Ljubjana Zagreb Belgrade Sofia Turquie Taksim Meydan - Chill Out Guest House Taksim Chill Out Guest House Taksim Metro Taksim Damas Chill Out Sultanahmet Volkswagen Volkswagen Dolmus Sarouja - Burkina Guerilla 98 Belgrade Fifa World Cup Sarajevo Srebrenica Damas el Cham - Bab el Hawa Anti-Liban Damas Bab Touma Sarouja Souk Sarouja Damas - Ginsberg Cendrars Biga Ginsberg Kerouac Damas Petra Mezzeh Université Place Merjeh - Inde et Népal Machu Pichu Biga Kerouac Cendrars - Damas - Damas Petra Amman Wadi Musa Wasi Rum - Petra Place du Sacrifice Cavafis Ungaretti Cavafis Ungaretti Pepsi - Pepsi King Hussein Bridge Darwich Ramallah Darwch Rayban Fayçal Hôtel - Hôtel Al-Rabie Souk Sarouja Fayçal Hôtel Fayçal Hôtel CCF Hôtel Al Majed Alaa Tower Ultra Tee Watax XXL LG Flatron Hôtel - Fayçal Hôtel Mac United Nation West Bank Jérusalem Porte de Damas - Mont des Oliviers Mont Qassioun - Swatch Festina Four Seasons Damascus - Mont Qassioun Tijuana Tijuana Four Seasons Hébron - Hébron Hébron Damas Hôtel Al-Rabie Souk Sarouja King Hiussein Buick Baramkeh Al Merjeh Damas Mexico - Kerouac Tanger Jérusalem Hôtel al Shahba Beyrouth Conteneur Maersch Porsche Ferrari Beyrouth - Plage Ramlet el Baydah Royal Plazza Al-Talal Hôtel Gemazyeh Kodak Cendrars - Bank Saudi Arabi Bank França Gucci Viaray Gauloise Royal Hotel Movenpick Grand Café Le Corléone Porsche BMW Mercedès - Toyota Lamborghini Marlboro William Grants Aigle Versace Mac Donals KFC Continental Le Meridien Chevrolet - Sony Viao Dell Pikasso Fetsina Watches - Mont Qassioun Sarouja Sweet Amanite Phaloïde Queen - Gare Qadam Climatiseurs LG Alep Oum Koulthoum et Fayrouz Oum Koulthoum et Fayrouz - Hôtel Sheraton Abu Nuwas Bridgestone et camtard Mack.
liste des soirs
(avec les fantômes)

un soir à Damas sur le toit d’un hôtel avec une bouteille de Vodka dans une main et quoi dans l’autre - les immeubles autour des ombres noires noires dans le ciel
un soir à Istanbul avec des oiseaux filant sur la mer Marmara - un autre soir à Istanbul dans une auberge bondée la ferraille bleue des lits -
un soir à Voinesea dans la montagne et la pluie sur nos gueules de gosses - un soir un peu plus au Nord un peu plus à l’Est et nos corps crevés raides -
un soir dans un bus un autre soir dans un bus chargé sueur un soir dans une bagnole un soir sur le siège arrière d’une bagnole filant chaude - un soir à l’arrière d’un taxi -
un soir au bord d’une falaise un soir sur une colline un soir avec le vent frais de l’Atlantique un soir sous les pluies chaudes au bord de la Mer Noire un soir dans la chambre crasse d’un hôtel bon marché de la médina de Tanger - un soir au bord d’une route banlieue de Belgrade et fusils mitrailleurs -
un soir sous les pluies sous les pluies violette - un soir avec l’odeur de la terre dans la tente et une bougie qui s’éteint le vent souffle - un soir raide raide dans les montagnes et le vent frais un soir sur la route avec le volant entre les mains -
un soir contre une montagne un soir dans la vieille ville un soir avec les étoiles et les néons verts les bagnoles -
un soir et tempête les flaques de boues les types qui marchent avides - un soir avec l’odeur d’un feu de bois et les sapins tout autour un soir avec l’absinthe un soir assis droit sur le siège d’un bus un soir vert un soir immense et gris - un soir et la terre tremble un soir et la pluie froide contre ta gueule chaude la pluie froide contre ton corps un soir avec le plein soleil - pleine gueule et qui se couche sur la mer et les fusils mitrailleurs et l’odeur du gasoil et l’odeur des corps et la sueur - la sueur et tu dis vraiment n’importe quoi
tu dis vraiment n’importe quoi.
liste des photographies que tu n'as jamais prises
(avec les fantômes)

Type qui siffle sur un quai de gare au Sud - soleil tombant sur les sièges d’un train - type tentant de vendre sa came derrière une table de bar - type tirant sur son clope et bière - taxi à l’arrêt sous un lampadaire jaune jaune - type accélérant dans les graviers poussières - falaise s’arrêtant net avant l’océan vague et l’horizon gris blockhaus - type alignant ses pastèques à l’ombre des parasols jaunes blancs - arrêt de bus vide et sans nom - clochard finissant son rosé dans le soleil et trottoir - type trainant une poêle sur le parvis d’une gare - train s’éloignant lentement et signaux de gare - melons ouverts sur le bitume et mégots de clopes - bouteille de vin rouge et camembert sur la table d’un train de nuit - tas de journaux sortis d’un train couchette au matin dans la capitale - courbe des wagons d’un train dans le matin - gamins agitant leurs mains au bord d’un chemin de fer - tasses de café posées sur la table en métal d’un troquet du port d’Algésiras - conteneurs entassés entre les quais grues jaune bleu tout autour - bagnoles de la douane gyrophares autour des bateaux - gosses filant valises à travers la foule et tickets d’embarquement - types tamponnant des passeports sur le pont supérieur d’un ferry reliant deux continents - vedette de la douane filant vagues écumes - porte-conteneurs croisant Gibraltar - type poussant une brouette pleine de poissons ruelles de la médina - type errant dingue à travers les rues blanches et crasses - fringues toutes allongées sur le pavé - baignoire rouillée douche humide de la pension Fuentès - chopes de bières pleines et mousses derrière les stores - grosse berline vitre teintée sur l’avenue du port - type grillant sa viande et chaises en plastique - types et machines à coudre à travers un soupirail ruelle de la vieille ville - Hôtel Continental en toutes lettres sur façade blanche - type assis au bord d’une tombe antique et vide - type et femme s’embrassant discrets derrière un tas de rochers vagues - bus tournant ralenti au soleil et à travers les terrasses de café - soupe de poisson fumant sur nappe blanche et mouches - type maigre et blanc barbe marchant dans sa robe - longue suite de chaussures à l’entrée d’une mosquée de la vieille ville - pickup de flics garé raide entre deux ruelles - bras d’un type chargé de montre et toc - néons bleus hôtel assis contre une ruelle - gare routière éclairée blanche et quelques chats en bande - type endormi sur une chaise en plastique et pompe à essence - journal laissé sur une table et tasse vide - jeune type essayant de refiler son kif à travers les boulevards rond-points - boite de sardines ouverte entre deux lits hôtel fatigue - morceaux de viande et sang dans la benne d’un pick up - type vendant ses clopes à l’unité Marquises Vertes - gamelle de légume mijotant sur un gaz de camping et bulles - ampoules jaunes allumées dans la nuit marché de boulevard - type assis dans un wagon qui chante en tirant sur son clope - locomotive entrant en gare un soir d’août soleil et sacs plastiques - baraques en tôles et bidons à l’entrée d’une ville - type arpentant les quais d’une gare routière et tickets de bus - vieille deux chevaux chargé grimpant lente à travers les pierres et poussières - bus chargé de sacs et types accélérant noir à travers les virages - type priant tapis posé sur une pierre au milieu d’un torrent - longues suites d’orangers bien droits les champs - distributeur de cigarettes posés contre une pompe à essence - carcasse de bagnole abandonnée route et rouille - Bridgestone en lettres noires sur fond jaune et crasse - néons verts club discothèque boulevard et palmiers - type endormi assis contre un mur terrasse d’hôtel et clopes - tapis de moutons posés sur le carrelage et type vidant des bières - grillage entourant la cour d’un centre de soin rouille et bidons noirs - pluie s’abattant sur le bitume à travers le soleil et les bagnoles - type posant ses mains sur un siège de bus et prière
poste de frontière en haut d’une colline lampadaires jaunes bruns dans la nuit - type qui te dit avec ses cheveux avec ses fringues et gris à la tienne dans sa langue à lui à la tienne - champs de maïs jusque l’horizon et la brume la brume et l’horizon flou - cul de bagnole ouvert au bord d’une route banlieue de Belgrade - chiens errants bagnoles qui filent à côté le gaz chauffe une boite de conserves - caserne militaire et tu pisses devant et les moustiques et les types qui disent un fusil dans une main une clope dans l’autre vous pouvez pas dormir ici - immeuble effondré dans le noir et les types qui vivent dedans les impacts de balle - vieille gare rouillée dans un bled au Nord Est de Belgrade - les trains passent lents dans l’air chaud vin rouge - chemise blanche jaune d’un douanier assis à l’ombre d’un poste de frontière perdu dans la plaine - ambulance tournant gyrophare lent rond-point de Timisoara - terrasse quasi vide d’un buffet-bar bord de route et chiens errants - camtard chargé de bois patinant dans la boue torrent - cabane en plastique feu de camp au bord d’un torrent et la boue la boue et la pluie froide - arrêt de bus perdu dans la montagne trois chiens assis en boule dans la poussière - langue de bitume noir noir à travers le jaune et blé - flotte - flotte au feu rouge boulevard de Bucarest sous l’orage et phares de bagnoles dans le gris - place de village vin rouge et lampadaire jaune jaune - vieux chien maigre venu bouffer des restes et le vent frais dans les herbes raides - vieille Dacia crachant nuage de particules noires dans un chemin boue - type étalant des pois sur le bitume au soleil - barrière de péage station balnéaire de la Mer Noire - Mer Noire déferlant douce sur la plage de sable un soir d’août - paquets de clopes entassés à un bout de table et nappe tâchée - gamins tapant la balle contre un mur et peinture rose - barbecue grillant sa viande à un carrefour et grosses bagnoles - types qui plantent un panneau subventions européennes le long d’une façade bancale - longue file de bagnole et feux stops - tempête sous les arbres et branches s’effondrant dans le noir - lumière blanche blanche néons d’un bloc sanitaire au Camping International de Timisoara - boite de sardines ouverte sur un capot de bagnole un matin dernière goutte de pluie - type allongé sur un banc à l’ombre boulevard de Bucarest - viande grillée kehbab tournant lente derrière une vitre grasse - Vulcanizare en lettre jaune sur fond bleu et type poussant un pneu sur le trottoir - grosse berline et vitre noire à l’entrée d’une baraque et vigiles armés - resto routier bord de route et pluie sur les pierres grises poussière - télé diffusant ses séries dans la fumée de clopes et frites - fumée brune s’échappant grande cheminée dans le ciel gris - bande de types et bande de femmes chacune de leur côté un dimanche d’août et village - gamines portant leurs gosses et main tendue - friterie bar et parasols publicitaires dans le vent du col de Borsa - langue de bitume tournant tournant montagne et les herbes vertes - type éclairant son barbecue à la lumière de ses phares et les ombres de quelques arbres - type titubant dans le noir raide raide - douaniers vidant une bagnole et chiens en laisse - aire de repos bord de route et cabane en bois sous la pluie - types vidant des verres de vodka assis sur des marches et bouteilles vides - grande table dressée à travers les moustiques bord de Mer Noire - type dansant sous la pluie entre deux clubs et dans la nuit bière - langue de béton s’enfonçant dans le noir et vers la Mer - le sable y vient dessus par endroit - longue suite de chaises longues en plastiques et toutes vides - large autoroute s’enfonçant droite à travers les forêts - panneaux rouges zone minée en bord de route - les doigts d’un type brulant l’absinthe dans un bar de nuit une ville de l'Est - carte de l’Europe éventrée feuilles volantes à travers la bagnole.
Liste des routes (avec les fantômes)

Si tu devais commencer par te questionner - ce serait pour tenter de comprendre pourquoi ça te fascine - une route - bien droite comme ça - vers l’horizon - et qu’on voit pas la fin. Mais tu ne penses pas.

Y’a celle-ci - plein soleil - et le vent chaud la poussière - le bus s’arrête devant une baraque et la fumée s’échappe des barbecues - tous ils vont commander la viande et prennent le pain et attendent qu’on mette tout dedans - et ça sent la grillade et la fumée de clope - et ça sent le bitume chaud le gasoil - l’huile chaude et les moteurs brûlants - tu viens du Sud et tu remontes - derrière le bitume s’enfonce dans un nuage gris brun et le sable - devant - le bitume s’enfonce dans un nuage gris brun bleu le sable - ton appareil photo est dans tes mains - tu ne bouges pas - tu ne penses pas.
Y’a celle avec les sacs posés à côté et attendre qu’une bagnole passe pour emmener plus loin - le ciel gris et la petite pluie fine qui vient de temps à autre - les gueules usées de la nuit et la peau crasse des matins sans soleil - le vent souffle et s’engouffre sur le bitume comme un bolide ou un semi-remorque - tu attends sur le côté - ça va - tu ne penses pas.

Celle en plein désert - au loin y’a le sable qui se soulève en tornade et le ciel est dans un mélange de bleu de brun poussière et il fait chaud - ça dépasse les quarante degrés et ça sent le gasoil - ça sent le gasoil et l’huile chaude - ça sent la pisse et les chiens crevés - un camion passe et vacarme - un bruit de ferraille de gomme chaude et de bielles - tu es assis sur les marches et les sacs plastiques et tu ne penses pas.

Il est à peu près clair qu’à chaque fois que tu essaies de penser. Ça ne marche pas. Mais c’est le sentiment d’être là - vraiment là.
Celle qu’est pas vraiment droite pas vraiment vers l’horizon - elle file - tu as ton passeport dans les mains et tu marches - grillage barbelés caméras de surveillance lampadaires allumés jaunes dans le plein jour - le bitume droit bien droit jusque la barrière - la route - vide.

Celle qui s’arrête entre des bagnoles usées des chars d’assauts des caisses et impacts de balles avec les fusils mitrailleurs les baraques brûlées noires - et le type qu’attend là que tu mettes un billet entre deux pages du passeport.
Y’a celle un matin tu t’es levé plus tôt que tous et fantôme tout seul dans le frais - tu va marcher dix mètres sur le bitume sans réfléchir et tu es là - tout à fait là.

Y’a celle plein soleil et longue file de bagnoles toutes cul à cul - les moteurs chauds l’odeur du bitume des huiles et du gasoil - la fumée des clopes qu’ils fument tous à attendre - les lignes blanches qui s’enfoncent au loin.

Ça ne se dit pas. Y’a pas les mots. Ça n’a pas de mots. C’est là.

Un autre jour tu es à l’avant du bus et c’est le soir - dans le jour qui tombe l’autoroute file bien droite devant - il y a quelque chose c’est une brume et le bus remonte plein Nord - tu traverses une ville et tu ne sais pas son nom - les immeubles sont tous alignés le long de la langue de bitume il y en a plein et ils s’enfoncent dans la brume - tu regardes à droite les immeubles tous alignés tu regardes à gauche les immeubles tous alignés - et tu ne penses pas.

Un autre jour il fait encore plus chaud et le bitume est noire vraiment noire et la terre est jaune vraiment jaune - le minibus s’arrête devant la barrière - peut-être que tu voudrais vomir - un type entre qui a un fusil mitrailleur ses pas sur le plancher la texture métal du canon de son fusil mitrailleur - derrière la barrière des types attendent un fusil pointé droit - une jeune femme fait le tour du minibus lentement - quelqu’un ouvre une fenêtre - devant - derrière le pare-brise derrière la barrière - la route file bien droite jusque des collines - tu attends - tu as peur - tu ne sais rien.

Un autre jour la voiture file bien droite cent trente kilomètres à l’heure vers l’Est - tu es assis au milieu de la voiture à l’arrière et tu écoutes le moteur - on te parle et tu ne comprends rien - au loin c’est flou l’horizon maïs et baraques en briques les murs sont calcinés noirs noirs.
Tes fantômes c’est des monstres ils n’existent pas et toi avec - tes fantômes c’est des monstres ils creusent des tunnels et tu cours tu cours encore à l’intérieur avide et chancelant.
liste des matins dont tu te souviens
(avec les fantômes)

tu t’étais réveillé sous les toits et la ville autour

tu t’étais réveillé la gueule contre la vitre et la chaleur dans le bus les verres en plastiques les films dans une autre langue

tu t’étais réveillé les billets dollars dans ses mains comme un tas et sa voix

tu t’étais réveillé sur la terrasse et sec sec bec ouvert la gueule

tu t’étais réveillé un soir après une pluie chaude et poussière les boues s’échappaient à travers le carrelage à travers les gouttières en métal à travers les pavés - les pavés tous crasse

tu t’étais réveillé vers les cinq heures du matin l’odeur du mouton de la laine et le froid du désert - le froid d’un ciel en tôle ondulée tôle ondulée
tu t’étais réveillé carcasse et ton corps tremblait et tu ne savais rien pas même ton corps et tu tremblais

tu t’étais réveillé sur une terrasse - tu dormais sur un lit en fer tu dormais sous le soleil et les immeubles autour tous criblés de balles autour les bagnoles

tu t’étais réveillé sous les panneaux publicitaires et l’odeur du bitume fondu sous le matelas poussière
tu t’étais réveillé sous le soleil chaud du Nord de la Syrie et les types en bas tapait le fer rechapaient les pneus

tu t’étais réveillé dans la sueur d’un hôtel bon marché porte de Damas à Jérusalem et tu ne comprenais rien tu ne comprends rien

tu t’étais réveillé pleine nuit et l’air chaud s’engouffrait dans les draps au loin des types chantaient dans le noir

tu t’étais réveillé tête vidée vrac et vrac en tout le corps et ça tremblait vraiment

tu t’étais réveillé sans avoir dormi c’était la nuit c’était le jour dans la ville tous ils dormaient et tu marchais dans les rues vides tu t’étais réveillé et tu ne dormais pas

tu t’étais réveillé ta gueule contre la vitre d’un train et l’odeur des clopes qu’ils fument à l’arrière sans se faire voir - ça filait vers le sud

tu t’étais réveillé sur le haut de la falaise et le vent frais du matin pleine gueule - le bruit des vagues - les oiseaux les bouteilles vides - le moteur d’une bagnole accélère au loin
tu t’étais réveillé ta gueule contre le tissu usé poussière des sièges d’un train vers le sud - ça filait vers le sud

tu t’étais réveillé à l’entrée d’une ville et les types - ils crient ils marchent sur les quais de gare

tu t’étais réveillé avec le soleil - tu te souviens très bien - c’était un virage dans le sud - l’Andalousie - les gosses jouaient dans les sacs plastiques au bord des rails - les types poussaient leurs valises à travers le wagon - et tu ne faisais rien - tu regardais le paysage défiler - ta tête et les vibrations

tu t’étais réveillé sur le matelas d’un hôtel - et tu croyais que d’autres y avaient dormi là - et tu étais heureux de ça - imaginer que d’autres y avait dormi là - et tu cherchais quoi sur les murs et dans les voix des types qui encaissaient la thune

tu t’étais réveillé un soir - l’odeur du gasoil et les klaxons des bagnoles dans une gare routière - les types ils sont là qui gueulent des noms de villes et tu ne comprends pas - tu charges ton sac et tu marches sur le pavé crasse et les chats filent dans le noir

tu t’étais réveillé sous le soleil chaud et dans l’odeur d’une casserole laissée là pleine - les légumes encore chauds et l’eau reste immobile et les mouches et la poussière

tu t’étais réveillé sur la terrasse d’un hôtel de la ville immense les jambes usées le dos raide raide - ce que tu cherchais là - ce que tu ne trouvais pas - ce qui allait dans ton corps

tu t’étais réveillé en entrant dans une ville chaude chaude et pas dormi la gueule - les corps pleins de sueur et tes pieds sur le sol dingue

tu t’étais réveillé sur le toit d’un hôtel et les chants dans les minarets l’odeur des viandes qu’on grille dès le matin - les couvertures poussières laissées là au soleil - tes sacs et secs les monstres qui se bougent assez

tu t’étais réveillé sur la montagne et le vent soufflait c’était ça - le vent soufflait - et c’était ça - tout à fait ça - vraiment ça

tu t’étais réveillé dans la buée moite les types autour priait sur les sièges d’un bus qui traversait l’Europe - du Sud au Nord

tu t’étais réveillé et la bagnole roulait lente dans les rues d’une ville de l’Est - tu t’étais réveillé et ça sentait la clope dans l’habitacle et le soleil à travers les vitres et ta tête qui tape tape contre le frais et les corps tous serrés dans l’habitacle

tu t’étais réveillé dans la tente à demi-montée et les sapins et gueule en vrac les corps nus sous l’eau froide d’une cascade - les types qui marchent autour le goût du café soluble

tu t’étais réveillé sur un parking poussière le soleil sur nos gueules les portes ouvertes de la bagnole tu avais pris ton appareil photo l’eau coulait à côté

tu t’étais réveillé sur un rond-point le train vieux convoi de fer qui file file les bagnoles les gosses les ballons les vieux camions nuage noir à Belgrade

tu t’étais réveillé après la tempête les branches d’arbres autour et les sardines en boite tu avais mangé dans les chiottes et ça tremblait encore comme un orage

tu t’étais réveillé dans les Carpates le nuages du matin et la douche froide le cochon qu’ils égorgent à même le gravier liquide rouge sur le bleu ça te reste dans l’œil - le liquide rouge sur le bleu

tu t’étais réveillé dans l’herbe froide et les épines des sapins et la grande ville à côté tu ne l’entends pas un pneu crevé vulcanizar
tu t’étais réveillé dans l’herbe humide avec la montagne en face avec le champ immense tu t’étais réveillé raide raide

tu t’étais réveillé au bord de l’eau et les types qui viennent frapper aux toiles de tentes le sel sur la peau

tu t’étais réveillé dans l’herbe humide et les barbelés barbelés - tu ne sais pas comment dire

tu t’étais réveillé dans la bagnole et la chaleur absinthe les jambes encore usées d’avoir marché comme ça dans la ville

tu t’étais réveillé sous les sapins l’odeur d’un feu éteint

tu t’étais réveillé les bougies éteintes tout autour dans la tente la toile en pente et les types qui montent comme ça droit dans la montagne

tu t’étais réveillé dans la chambre bien serré tous les fantômes entassés dans un hôtel bon marché.
liste des choses difficilement vues (avec les fantômes)

qui ont vu type - ils ont vu type allongé dans la crasse - les pieds sur les marches
allongé sur les marches et yeux fermés - peut-être il dort

ils ont vu sacs - sacs plastiques à tous les barbelés les champs sacs plastiques filent vent

et ont vu sac - sac à - sac à quoi - elle était dans une rue elle attendait à l’ombre avec les trous dans le tee-shirt et quelques tâches les mains sales elle tenait son sac - elle disait dollars dollars elle répétait dollars comme ça - dollars

qui ont vu jambe - ils ont vu la jambe pourrie la jambe verte et bleue d’un homme assis là ils ont vu la jambe pourrie la jambe verte et bleue d’un homme assis là sa main paume - la jambe pourrie la jambe verte et bleue d’un homme assis là sa main paume et sa langue sa langue - ils ne comprennent rien
ils ont vu la jambe pourrie la jambe verte et bleue d’un homme assis là sa main paume et sa langue sa langue elle disait quelque chose elle répétait toujours la même chose et sur sa jambe - les mouches

qui ont vu fusils - ils ont vu les fusils mitrailleurs dans les mains des types les fusils mitrailleurs - ils ont vu les fusils mitrailleurs les types autour ils parlaient ils parlaient avec leurs fusils mitrailleurs
ils ont vu fusil mitrailleur il était là - tout près - et il parlait avec sa bouche de fusil mitrailleur il parlait silencieux il leur disait chut - qui ont vu fusil - fusil tout près qui leur caresse la jambe et dit pardon et le métal sur leurs peaux c’est froid le métal du canon d’un fusil mitrailleur

qui ont vu bagnole qui ont vu grosse berline et cuir sur les chemins boue grosse berline et dollars sur les chemins boue à côté dans l’herbe les gosses ils jouent qui sont presque nus
qui ont vu baraques baraques en terre dans les montagnes baraques en terre sèche sèche - la peinture bleu rouge la peinture jaune le ciel bleu le ciel les gosses ils courent d’une baraque à l’autre les jardins tables pleines

qui ont vu ceux qui disent avec des mots polis ceux qui disent - ces gens là sont - désagréables - ils disent désagréables - ils disent ça

qui ont vu dingue ils ont vu dingue arriver dans la nuit de pluie ils ont vu dingue arriver parler parler dans la nuit bière ils ont vu dingue arriver parler parler parler ils ont vu dans son parlage et babil ils ont vu les fusils mitrailleurs et quoi

il a dit qu’il pouvait plus aller là-bas sinon couic - il a dit couic

qui ont vu mouton griller sur la braise chaude et pendant des heures ont regardé le mouton griller le mouton tournait sur la braise l’odeur de la viande brûlée grillée la peau grillée la broche qui passe dans le corps d’un bout à l’autre devant le mouton d’autres ils disent y’avait un temps y’a quelques années - ils tuaient des hommes

qui ne disent rien
qui marchent marchent et avec leurs yeux ça reste - ça colle
qui ont vu type - type allongé dans le sable sur une plage et les sacs plastiques et le soleil qui ont vu type inerte la peau crasse et poussière la poussière sur la peau ils ont vu type ils savaient même pas - est-ce qu’il était vivant encore
un sac plastique est là qui vient s’accrocher dans une de ses jambes - le vent soulève le sable - ils ne bougent pas

qui ont vu baraques - baraques à moitié calcinées brûlées brûlées - la poussière noire sur les briques rouges c’est un soir d’août la pluie sur le pare brise - la pluie sur le pare brise ils n’ont pas de mots - ils traversent un village les baraques sont vides impacts et murs démis parfois il reste un morceau de charpente parfois une carcasse de bagnole est là rouillée brûlée contre un mur
qui ont dansé tard dans la nuit - qui ont vidé des verres et écouté des types chanter dans le soir - plus tard - dans les montagnes et sous la pluie on leur a dit - on leur a dit on vous aime bien vous êtes comme nous - vous dansez comme si vous aviez fait la guerre
dans le noir des chiens errants couraient sous les phares de leur bagnole
qui ont vu bâches en plastique et feux de camps - qui ont traversé des montagnes éventrées boues - qui ont passé leur bagnole à travers des torrents de boues des fleuves en crues qui ont traversé des camps de fortunes - des tentes en plastiques et des feux de camp - les types étaient là qui ne bougeaient pas devant les flammes - ils ont filé peur mes fantômes ils ont filé peur
qui ont vu type et son chien il était là allongé contre un mur et plein soleil poussière un sac plastique une bière à demi vidée et son corps raide - son chien le regardait debout à côté - dans le plein jour - il hurlait
qui ont vu bouteille de Coca-Cola - bouteille de Coca-Cola dans les mains d’une gosse c’était sur un boulevard de l’Europe ils marchaient chancelant mes fantômes - ils ont vu bouteille de de Coca-Cola dans les mains d’une gosse elle tirait sur leur fringue elle disait money money elle répétait ça comme ça - money money - alors sous le soleil et la sueur il - un de mes fantômes - gueule en vrac lui donne une bouteille de Coca-Cola et les taxis klaxonnent autour
qui ont vu ruines - qui ont vu ruines surgir dans la nuit c’était un soir d’août ils erraient dans une ville sans rues - dans le noir ils ont vu ruines surgir dans la nuit c’était un boulevard de l’Europe un immeuble effondré bombardé - des impacts de balles et des types ils étaient là qui squattaient dans la nuit ils avaient tendu des bâches bleues
qui ont filé dans le noir et dans leur bagnole qui ont filé qui filent filent et n’ont pas de mots.
liste des stations essence
(avec les fantômes)

celle-ci à côté d’Irun Espagne il fait chaud et gueule en vrac - les pousses à attendre et le bruit des bagnoles qui filent sur le bitume l’odeur du gasoil les tâches sur le béton
celle-ci à Strasbourg un matin d’août et le bruit d’une bagnole usée capot ouvert les cafés sur le métal la caisse
celle-ci au bord d’une autoroute l’herbe verte et les grosses berlines allemandes garées tout autour - les thunes qu’il faut mettre dans un bol en plastique pour les toilettes les types qui vendent des sandwichs saucisses les canettes de bière à côté des poubelles
celle-ci sur la route de Petra un après-midi au loin les tornades de sable il disait tornado le taxi il disait tornado tornado - les sacs plastiques assis sur les marches dans une odeur de pisse de gasoil et de friture
celle-ci dans un quartier de Damas et tu marchais seul à travers les immeubles et tu avais peur et tu ne savais pas pourquoi mais pourtant tu avais peur - un type est passé tu es monté dans son taxi
celle-ci au passage du col - les virages la longue langue de bitume et l’odeur d’un moteur trop chaud - les barrières de sécurité les types qui demandent à voir un passeport et les pompes à essence dans l’ombre - juste derrière
celle-ci entre deux villages et des montagnes - le bitume est encore chaud et des types sont là qui attendent pelles en main - le réservoir et plein est les billets passent d’une main à l’autre un tas de billets froissés - la couleur jaune jaune de la terre autour le bitume noir noir
celle-ci avec le moteur d’un bus qui tourne sous le soleil chaud Syrie - juste après Bab-el-Hawa la petite mosquée à côté des pompe à essence et la chaleur pour la première fois la chaleur du Moyen-Orient - le vent souffle qui soulève la poussière les herbes sèches
celle-ci station essence et gare routière un quartier de Tanger c’était la fin du voyage - le bus larguait ses passagers la foule et les taxis klaxonnent à travers les valises à travers les distributeurs automatiques les marchands de thé
celle-ci au bord d’une autoroute à peine terminée - les arbres éventrés autour les impacts de balles structures en métal à demi rouillée et champs de maïs
celle-ci dans une banlieue d’Istanbul station grillade et bagnoles à l’arrêt devant les néons tous allumés dans la nuit - ils clignotent - lentement
celle-ci juste avant la frontière remontant la Jordanie depuis Jérusalem les types qui se demandent comment faire pour entrer sans qu’ils sachent - les types qui nettoient leurs passeports au parfum alcoolisé pour enlever les autocollants et les chiens qui hurlent dans la nuit les chiens
celle-ci un matin et la gueule froide d’une nuit sans sommeil - les types qui attendent accoudés à une pompe à essence de paquets de dollars dans la main ils te parlent à peine un pied sur le bitume - ils te disent ça marche comment ici il faut des dollars ici
celle-ci juste avant la frontière parce que c’est moins cher de ce côté et parce que de l’autre côté certains ils ont cassé les ponts ils ont cassé les baraques ils ont cassé les routes - alors l’essence elle est moins de ce côté là - les chiffres qui défilent rouge orange sur le cadran
celle-ci entre deux pays - on ne sait pas lequel et ce n’est pas vraiment une station - des types remplissent un réservoir caché dans la soute du bus et le gasoil coule sur le bitume chaud et ils en ont plein les mains - leurs mains sur les rideaux du bus l’odeur du gasoil et l’air climatisée
celle-ci un matin très tôt - et le bruit d’un marteau sur un vieux moteur le bruit d’un marteau sans cesse marteau
celle-ci en remontant plein Nord - à l’abri tôle ondulée des types croquent dans des sandwichs des types mettent de la thune dans des distributeurs à cigarettes des types remplissent leurs réservoirs des types alignent leurs tapis et prient en regardant la pluie
celle-ci dans la lumière blanche au carrefour proche l’Arena deux larges boulevards se croisent pendant qu’une station essence dort dans le noir - un chien traverse qui court droit sur le bitume - un autre est là qui contre une pile de pneus hurle dingue
celle-ci pour la route de tous les jours et ça te reste ça te reste - l’odeur du gasoil et les coups de klaxons dans la nuit - au bord d’une route.