tu sais pas ce que c’est - y’a un rapport à la mémoire c’est sûr - les photos des fantômes tu as écrit après - ça veut dire que chaque photo c’est la mémoire - enfin c’est ce qui déclenche - il arrive que tu ne te souviennes pas de ce qui est autour - mais la photo est là et elle tient sa charge - parfois sans elle il n’y a rien - avec les fantômes c’était presque un jeu - parfois seulement écrire était à côté - parfois écrire venait directement de ça - de la photo - de sa couleur et de ce qu’elle montre - texte où tu parles de la photo elle-même - parfois écrire venait tout à fait avec la photographie - ça se collait exact - parfois fallait trier les mots - c’est vrai il arrive que tu penses -
tu peux dire qu’il y a trois séries - et pour chacune de ces séries les choses sont différentes
l’appareil photo - en Europe de l’Est et au Maroc - tu avais ce Canon bon marché mais fiable - après on te l’a volé - c’était une nuit - en Bosnie - alors avant de partir pour le Moyen-Orient - tu as récupéré l’appareil du père - un Fujica de vingt ans - tu pouvais lui faire confiance pour un mois - après il a lâché - comme tu avais les optiques - il a suffit de racheter un boitier - d’occasion ça ne vaut rien - après il y aura deux nouveaux Canon - mais c’est une autre histoire -
les pellicules - tu ne savais rien et tu ne sais toujours rien - développer une 400 TX à différentes expositions sans grosse erreur - tu savais pas faire - tu achetais des marques - Ilford le plus souvent - pour le Moyen-Orient - tu étais tellement juste question sous - tu es parti sans rien - acheté sur places des films périmés et les yeux qu’on faisait quand tu les demandais -
ce que tu mettais dans le viseur - longtemps pour comprendre qu’une photo n’est pas une carte postale - l’essentiel de ce qui se trouve sur tes films sont des tentatives ratées - le hasard l’objet ce qu’il y a de vie - tu ne sais pas ce que c’est - mais tu en étais encore plus loin pour ces trois séries - beaucoup de ces photographies ne sont pas bonnes - et plus : certaines - tu les choisis pour ça -
en Europe de l’Est tu photographiais beaucoup - tu pensais que tout serait réussite - ce sont tes premiers véritables films de voyage - parce que tu ne sais rien alors - il y a des surprises - certaines images te surprennent - au Maroc aussi - tu avais le sentiment de faire beaucoup de photographies - mais tu cherchais quelque chose - tu te rappelles avoir rencontré ce type sur le bateau qui sur son vieux Pentax mettait au point en regardant les chiffres sur l’objectif : s’il était près d’un type il réglait entre deux et trois mètres - autrement - à l’infini - il faisait la mesure de lumière d’un coup rapide - ou bien à l’oeil - et puis il déclenchait - ça te paraissait dingue et tu as essayé de nombreuses fois - tu n’imaginais pas quel type de décadrages tu allais trouver et surtout - tu oubliais que tu avais peur - personne ne te voyait déclencher - et l’appareil était assez silencieux - au Moyen-Orient tu n’avais pas vraiment envie de photographie - tu n’as rien photographié pendant cinq à dix jours - puis sur la route un peu plus - c’était le choc - la différence de monde - tu étais sur d’autres tremblements à l’intérieur et ça te bousculait sévère - tu as très peu d’images du Moyen-Orient -
tu as choisi ces trois séries sans le savoir - c’était là comme ça - trois nouveaux espaces et jeune - à chaque fois des claques et les mots étaient là - il est à peu près clair que tu ne sais pas faire des images mais que tu photographies beaucoup - il est à peu près clair que les mots les mots viennent sans cesse - ça reste très flou - ce que c’est - la vie.


tu ne penses pas
et tout est là entre temps
tu n’écris que ce que tu peux écrire
le reste - la gangue - c’est quoi peut-être la vie
à peu près clair que tu arrives à un bord à une limite - tes monstres ils sont là y’a rien à faire tu l’as dit - et les routes elles avancent
ça ira pas plus loin
ça ira pas plus loin pour ça
c’est là
c’est là
c’est là c’est comme ça mes fantômes mes monstres
tout est là entre temps - dans le temps qui reste pour écrire - ce qui reste là - ce qu’on sait dire - ce qu’on arrive à dire
ça ira pas plus loin
ça ira pas plus loin pour ça
tout est clair et tu ne penses pas
parfois dans la nuit - les monstres ils hurlent - et toi t’avances comme bête.