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Blocs | 26

mardi 30 juillet 2019, par sebmenard

J’ai lu Claude Roy, Julio Cortazar, Kenneth White et Richard Brautigan. Je ne sais pas si ça peut « aider ». J’ai aussi semé des fèves, planté des aulx. Avec mon fils. Ce n’était peut-être pas le meilleur moment, d’autant qu’il a gelé pour la première fois de la saison hier. Mais c’est comme un genre d’image — un mantra pour le karma. Planter. Semer. Lire. Malgré tout. Malgré tout ce bazar. Nous avons aussi récolté des petites pommes sauvages comme Mario Rigoni Stern le raconte (c’est mon fils qui les avait repérées). Nous avons récolté des nèfles. Je ne sais pas quel poète cause de nèfles. Ça n’a peut-être pas d’importance, mais nous avons tout de même rempli deux paniers de nèfles. La plus grande partie va mûrir au grenier, le reste à la cave. À un moment, j’ai écouté un enregistrement de 2009 — une lecture de Jean-Pascal Dubost et Roger Lahu. J’ai aussi regardé La vallée des loups, de Jean-Michel Bertrand. Trois années pour trouver, voir, filmer des loups. Mieux que la quête d’une poésie d’une absolue pureté.

Ce que m’a apprit l’épreuve, c’est que la poésie peut être un instrument de gouvernement des passions et de possession (ou de reprise de possession) de soi-même. J’ai écrit des poèmes pour tenter de régler u souffle qui se déréglait, pour essayer d’ordonner un flux intérieur qui se délitait, pour parvenir à reprendre l’avantage dans le combat douteux où j’étais engagé. C’est que la poésie, cette activité gratuite par excellence, ajoute aux charmes essentiels de l’inutilité la force inattendue de l’extrême utilité. Aussi vaine que les nuages, aussi nécessaire que le pain, la poésie n’est pas forcément une maîtresse d’illusions. Elle peut être aussi, elle doit être surtout la réalité profonde prise aux mots, une vérité qui se fait chant.
Claude Roy, Le travail du poète, éditions Paroles d’aube.