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Blaga, Lucian | Éloge du village roumain

vendredi 3 novembre 2017, par sebmenard

 

 

 

 « Car, autant il est vrai que le milieu le plus adapté et le plus fécond pour l’enfance est le village, il est tout aussi vrai que le village, à son tour, trouve dans la spiritualité de l’enfant sa suprême floraison. » p. 16

 

 

 

 « Nous, par exemple, nous sommes ici, en cercle, à parler, mais peut-être que nous sommes morts, seulement nous ne nous en rendons pas compte. » p. 19

 

 

 

 « Le « village-idée » est le village qui se considère lui-même comme centre du monde, vivant dans des perspectives cosmiques qui se prolongent en mythes. Aux antipodes de ce type de village-idée on pourrait, je crois, citer les petites agglomérations à allure de village d’Amérique du Nord, agglomérations sombres et uniformes d’ouvriers et de fermiers restant ensemble du fait d’un intérêt commun, et non par la magie d’une âme commune. » p. 22

 

 

 

 « De la manière dont le village conçoit son existence, il résulte cependant un deuxième aspect et d’autres conséquences qui mérient d’être retenus. Le village, situé au cœur du monde, est d’une certaine manière auto-suffisant. Il n’a besoin que de sa terre, de son âme et d’une larme d’assistance d’En Haut pour supporter patiemment son destin. Cette autonomie naïve a fait, par exemple, que le village roumain ne se laisse ni impressionner, ni troubler, ni entraîner par les grands processus de l’ « histoire ». Le village est atemporel. Cette conscience sourde qui couve sous l’amoncellement des soucis et des épreuves de toutes sortes, la conscience d’être un monde en soi, ont donné au village roumain, au cours de nombreux siècles fort mouvementés, cette force hors pair de boycotter l’histoire, par son imperturbable indifférence. Ce boycott se dressait contre l’histoire faite par nos voisins. La fierté du village de se trouver au centre du monde et d’avoir un destin unique nous a maintenus et sauvés en tant que peuple au cours de siècles de malheur. Le village ne s’est pas laissé tenter et attirer par « l’histoire » faite par d’autres par-dessus nos têtes. Il s’est maintenu vierge et pur dans sa pauvre autonomie et sa mythologie pour des temps où il pourrait devenir le fondement sûr d’une authentique histoire roumaine. » p. 24

 

 

 

 « L’horizon intérieur de cette population était l’horizon « mioritique ». Cet horizon s’est constitué comme le cadre d’un certain sentiment du destin, et coïncidait aussi le plus souvent avec le milieu physique (« plaiul » — la colline, la plaine), où s’est établi, à travers des déplacement saisonniers, l’homme roumain. » p. 51

 

 

 

Citant Eminescu :

 « Pourquoi te balances-tu, ô forêt,
Sans pluie, sans vent,
Avec tes branches jusqu’à terre ? »

p. 71

 

 

 


Blaga, Lucian, Éloge du village roumain, textes traduits du roumain, rassemblés par Valérie Rusu, éditions de l’aube.