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liste des stations essence dont tu te souviens (avec les fantômes)

dimanche 26 juin 2011, par sebmenard

celle-ci à côté d’Irun Espagne il fait chaud et gueule en vrac - les pousses à attendre et le bruit des bagnoles qui filent sur le bitume l’odeur du gasoil les tâches sur le béton

celle-ci à Strasbourg un matin d’août et le bruit d’une bagnole usée capot ouvert les cafés sur le métal la caisse

celle-ci au bord d’une autoroute l’herbe verte et les grosses berlines allemandes garées tout autour - les thunes qu’il faut mettre dans un bol en plastique pour les toilettes les types qui vendent des sandwichs saucisses les canettes de bière à côté des poubelles

celle-ci sur la route de Petra un après-midi au loin les tornades de sable il disait tornado le taxi il disait tornado tornado - les sacs plastiques assis sur les marches dans une odeur de pisse de gasoil et de friture

celle-ci dans un quartier de Damas et tu marchais seul à travers les immeubles et tu avais peur et tu ne savais pas pourquoi mais pourtant tu avais peur - un type est passé tu es monté dans son taxi

celle-ci au passage du col - les virages la longue langue de bitume et l’odeur d’un moteur trop chaud - les barrières de sécurité les types qui demandent à voir un passeport et les pompes à essence dans l’ombre - juste derrière

celle-ci entre deux villages et des montagnes - le bitume est encore chaud et des types sont là qui attendent pelles en main - le réservoir et plein est les billets passent d’une main à l’autre un tas de billets froissés - la couleur jaune jaune de la terre autour le bitume noir noir

celle-ci avec le moteur d’un bus qui tourne sous le soleil chaud Syrie - juste après Bab-el-Hawa la petite mosquée à côté des pompe à essence et la chaleur pour la première fois la chaleur du Moyen-Orient - le vent souffle qui soulève la poussière les herbes sèches

celle-ci station essence et gare routière un quartier de Tanger c’était la fin du voyage - le bus larguait ses passagers la foule et les taxis klaxonnent à travers les valises à travers les distributeurs automatiques les marchands de thé

celle-ci au bord d’une autoroute à peine terminée - les arbres éventrés autour les impacts de balles structures en métal à demi rouillée et champs de maïs

celle-ci dans une banlieue d’Istanbul station grillade et bagnoles à l’arrêt devant les néons tous allumés dans la nuit - ils clignotent - lentement

celle-ci juste avant la frontière remontant la Jordanie depuis Jérusalem les types qui se demandent comment faire pour entrer sans qu’ils sachent - les types qui nettoient leurs passeports au parfum alcoolisé pour enlever les autocollants et les chiens qui hurlent dans la nuit les chiens

celle-ci un matin et la gueule froide d’une nuit sans sommeil - les types qui attendent accoudés à une pompe à essence de paquets de dollars dans la main ils te parlent à peine un pied sur le bitume - ils te disent ça marche comment ici il faut des dollars ici

celle-ci juste avant la frontière parce que c’est moins cher de ce côté et parce que de l’autre côté certains ils ont cassé les ponts ils ont cassé les baraques ils ont cassé les routes - alors l’essence elle est moins de ce côté là - les chiffres qui défilent rouges oranges sur le cadran

celle-ci entre deux pays - on ne sait pas lequel et ce n’est pas vraiment une station - des types remplissent un réservoir caché dans la soute du bus et le gasoil coule sur le bitume chaud et ils en ont plein les mains - leurs mains sur les rideaux du bus l’odeur du gasoil et l’air climatisée

celle-ci un matin très tôt - et le bruit d’un marteau sur un vieux moteur le bruit d’un marteau sans cesse marteau

celle-ci en remontant plein Nord - à l’abri tôle ondulée des types croquent dans des sandwichs des types mettent de la thune dans des distributeurs à cigarette des types remplissent leurs réservoirs des types alignent leurs tapis et prient en regardant la pluie

celle-ci dans la lumière blanche au carrefour proche l’Arena deux larges boulevards se croisent pendant qu’une station essence dort dans le noir - un chien traverse qui court droit sur le bitume - un autre est là qui contre une pile de pneus hurle dingue

celle-ci pour la route de tous les jours et ça te reste ça te reste - l’odeur du gasoil et les coups de klaxons dans la nuit - au bord d’une route.