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Duel de chiens dans nos têtes

vendredi 30 octobre 2015, par sebmenard

Quelqu’un dit qu’il voulait réenchanter le monde.

Mais c’est vraiment n’importe quoi.

On était d’accord pour l’aider mais on s’y prenait comme des branques — duel de chiens dans nos têtes.

Soit on louait un van et on partait vers l’est en pleurant dans les rues des capitales.

Soit on cherchait un vieux diésel et on ramassait des morceaux de notre moteur sur la route — on riait tard le soir — on s’endormait sur les sièges arrières.

Soit on marchait dans la boue un automne en riant et en glissant — et on perdait nos forces de rire et de glisser dans la boue.

Soit on attrapait un avion et on était de l’autre côté du continent — et alors on se réveillait douze heures plus tard à la fenêtre d’un appartement avec une histoire à raconter mais endormis presque nos corps épuisés.

Soit l’un d’entre nous disait qu’il voulait réenchanter le monde et tous on se marrait autour.

Soit on avait pris nos machines et nos corps — on filait on filait on filait — à la recherche de quelle folie de l’est déjà là dans nos mains.

Soit on avait lu dans un livre qu’à l’est tout était possible et nous étions venus vérifier — avec nos yeux nos ombres — on commençait par chercher des trompettes — on n’en voyait pas une seule.

On nous avait dit que là-bas plus à l’est — il y a des histoires à débusquer dans des villages et derrière les collines

On nous avait dit qu’on pourrait écouter les bêtes rentrer le soir et tout le monde pour les attendre devant les maisons — et alors on aurait un sentiment d’éternité au soleil couchant.

On nous avait dit qu’il était temps — que les chiens errants de Bucarest et d’ailleurs fuyaient disparaissaient — on s’était dit qu’on chercherait leurs routes on les suivrait comme on suit une carte.

On nous avait dit qu’il fallait venir lentement et écouter les vents — sentir un feu de bois — une ville et un col.

Nous — on venait chercher autant de pistes pour nos réels que d’aventures à nous faire trembler et rire — nous — on cherchait des pistes blanches et des ciels sans néons — nous venions chercher le silence qui mène à nos errances — duel de chiens dans nos têtes.

C’est pas très clair — pourtant je me souviens un jour quelqu’un avait parlé d’un « duel de chiens » et c’était pas un truc avec du sang ni des crocs non — cette histoire de réenchanter le monde et de voir les chiens errants disparaître : duel de chiens dans nos têtes.