Belleveaux, Jean-Christophe | La quadrature du cercle

La quadrature du cercle

J’avais lu ça dans un livre :

« tout d’un coup il cria

que ce n’était pas le destin si le monde souffrait,

si l’éclat du soleil arrachait des jurons :

le coupable, c’était l’homme. « Au moins pouvoir partir,

crever de faim librement, dire non

à une vie qui utilise l’amour et la pitié,

la famille ou le lopin de terre pour nous lier les mains. »

Travailler fatigue, Cesare Pavese.

J’avais alors eu envie de fumer en regardant la mer, février, tout ça… Fumer dans le vent léger qui soulève un peu la page — et on la retient du pouce ; néanmoins le coin supérieur vibre dans l’air — et les yeux vont des lignes du livre aux reptations de la vague.

J’arrachai la page que je venais de lire et en confectionnai un bateau de papier que je livrai au flot. C’était un acte de résistance à je ne savais trop quelle affreuse et indicible oppression. Mon navire pirate emportait ses mots vers l’inconnu ; c’était ma façon de sauver l’Univers, détacher une feuille de l’arbre pour une liberté fragile. Reprenant ma promenade interrompue, mon livre mutilé à la main, je continuai de réfléchir à la portée symbolique qu’il convenait d’accorder à mon geste et je conclus que j’avais rendu les mots au magma originel. Il n’était par ailleurs pas indifférent que ces mots fussent de plainte et de poésie, expression profonde de l’humain.

Je tirai une dernière bouffée de mon cigare avant de l’écraser sur la terre.

Belleveaux, Jean-Christophe, La quadrature du cercle, Les Carnets du Dessert de Lune, 2006.

Le sensation (toucher) des bouquins des Carnets du Dessert de Lune. (dans le même mouvement : comme on souhaite en disposer dans nos machines à lire numériques)

Ce qui se trame là : la possibilité de lier un poème (citation) (citer) (voir le lien avec Jean-Pascal Dubost)

Quelque chose : prise de vent — distance - et la possibilité d’une action — tout de même.