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Bernard Noël - A bas l’utile - encore - une idée de révolution

mercredi 25 avril 2012, par sebmenard

J’avais déjà lu plusieurs fois cette série de trois textes de Bernard Noël - mais les circonstances appellent à une nouvelle lecture - et consternant de voir comme cela résonne encore aujourd’hui.

Présentation de l’éditeur :

[Bernard Noël] a choisi lui-même la composition de ce triptyque : la communication dans À bas l’utile, l’industrie culturelle et la consommation dans De l’impuissance... (avec traversée rétrospective de l’aventure intellectuelle et esthétique de la revue Lignes), l’asservissement volontaire en tant de sarkozysme dans Nécessaire, mais....

Il n’y aura pas de mots autour de ceux de Bernard Noël - qui fait l’expérience de cette lecture sait pourquoi.

Exemple : comment penser que la pensée n’a jouée qu’un rôle fictif dans un choix politique qui engage tout le pays pour cinq ans ? Théoriquement, il a fallu convaincre l’opinion, laquelle a besoin pour cela d’être informée. En fait, ce ne sont pas des moyens de choisir qui lui ont été offerts, mais des images ou des discours faisant images. Au lieu de confronter des conceptions de la société et d’aboutir à un acte (les élections) qui sanctionne le débat, situation traditionnellement constitutive de la vie politique, le public (car il ne s’agit plus de citoyens) a été invité à un spectacle représenté dans le décor en trompe-l’oeil d’une comédie politique mettant en scène la rivalité de personnages et non pas d’idées. « On peut garder le nom, disait Debord, quand la chose a été secrètement changée. »

Sous prétexte de démocratie, il s’agit d’abolir tout esprit démocratique en transformant le citoyen en spectateur : un spectateur bien plat, sans dimensions, sans volume à l’intérieur duquel se retirer, bref sans organisme puisque sans intériorité.

Qu’est-ce que le concret ? Selon les lois votées à la faveur des vacances et celles qui sont en attente, c’est le contraire du social. Il faut dire que « social » est synonyme d’assistanat, d’abus de privilèges, de mise en sommeil de l’initiative, tandis que « concret » est appétit, réussite et création d’une richesse forcément contagieuse. (...) Car le concret est la réduction du Bien à l’Utile. Ainsi l’échec scolaire sera supprimé ne mettant l’éducation au service de l’entreprise, ce qui aura l’avantage de former des employés et nom des citoyens tout en faisant de l’opinion un conformisme consensuel.

Le mot « progrès » ne vaut plus rien car le mot « croissance » dit mieux que lui la bonne direction. Le mot « travail » rend l’aliénation désirable depuis que le mot « chômage » est son antonyme. Le mot « acquis » ne sert plus qu’à la banque et le mot « social » désigne une dépense inutile. Le seul idéal est d’être « compétitif »... Naturellement, le mot « révolution » n’est même plus ridicule : il est imprononçable !

Bref, tout concourt à rendre la Révolution impensable dans le contexte actuel renforcé encore par la mondialisation. Cependant le sentiment de sa nécessité conduit à se dire que la situation présente ne la rend impensable que dans la mesure où, toujours renvoyée à des modèles anciens, elle demeure en fait impensée.

Le problème est toujours, depuis Marx et Rimbaud, de transformer le monde et de changer la vie.

2Boîte Noire |2

Lecture sur l’iPod de cet ensemble édité par publie.net.

B.O. : AK 47 Blues, Bundetto.

Images : j’ai déjà photographié de nombreuses fois ce monument à Bucarest - oeuvre d’Alexandru Ghildus - pas entrer dans la polémique le concernant - chacun pourra y voir ce qu’il souhaite - en y passant en mars 2012 tout juste remarqué cette tâche rouge dans un coin.