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croquis, 135

dimanche 29 janvier 2012, par sebmenard

texte écrit sur Twitter dans le train entre Drăgăneşti-Olt et Bucureşti, puis quelques kilomètres à bord du train qui file vers le Nord-Ouest du pays.

dans le blanc ça arrive qu’on voit rien parce qu’avec le soleil

dans le blanc y’a des arbres parfois on les distingue à peine ils sont pris dans le blanc et y’a plus une bête

non c’est pas sûr enfin on en sait rien - dans le blanc de temps à autre y’a leurs pas - leurs pas dans la neige et le soleil qui vient là

alors on imagine - on imagine une bête dans le soir ou dans le matin elle est là qui cherche quelque chose si ça se mange

dans le blanc derrière la vitre tu te demandes encore avec quels mots on parle de ça dans ta langue à toi c’est quels mots pour ça

il arrive qu’une forêt apparaisse dans le blanc et c’est un tas d’arbres on dirait qu’ils sont morts blancs dans le froid leurs peaux brunes

dans le blanc les machines s’arrêtent et sentent l’huile chaude froide et sentent l’urine - dehors le vent soulève la glace blanche blanche

dans le blanc y’a un homme - dans le blanc y’a un homme il marche et porte quoi c’est des sacs en plastiques sa peau rouge dans le blanc

dans le blanc y’a un homme - un homme il marche et ses pas dans la neige - et il n’y avait pas d’empreintes - et il n’y avait plus de traces

et alentour on y voit rien - le soleil est là qui brûle tout dans le froid blanc le soleil écrase tout - nos yeux c’est pas assez sans doute

jusqu’au loin c’était une grande plaine blanche et plate - on savait plus vraiment c’était où l’horizon - on ne savait plus c’était quoi

dans le blanc tout est immobile qui semble figé quel jour - faudrait remonter le temps pour savoir - et comment ça s’est passé

dans le blanc c’était même plus la peine ouvrir les yeux - on n’y voyait plus rien - le glace et la neige étaient jaunes comme quel soleil

dans le blanc qui croyait encore aux machines - leurs ferrailles étaient tellement froides que plus personne ne savait leur nom

au loin - on distinguait parfois quelques baraques et la fumée sur leurs toits - certains devaient vivre encore par ici

quant aux chiens les chiens - on en voyait certains dormir leurs poils dans le blanc - ils étaient des boules noires et surtout - immobiles

et dans le blanc increvables certains tirent encore le pétrole de la terre - tout autour les câbles électriques sont tous les uns les autres

les champs sont immenses blancs dans le blanc - leurs herbes sèches sèches sont à peine - à travers le blanc

il arrive aussi que de temps à autre - une série de murs en béton abandonnés s’étirent - mais on les voit à peine

alors - à travers le blanc c’était des morceaux de rouille rouge orange et ça se mélangeait avec le ciel - et ça éclatait tout d’un coup

ceux qui voyaient encore - ils se faisaient surprendre - dans le blancs surgissaient parfois d’immenses cheminées grises et béton

tu te souviens encore - c’était une plaine immense et vraiment plate - deux gamins ils marchaient - au loin des tubes en béton dans le blanc

alors quoi - c’était blanc - et on avançait dans le blanc.