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Jarry, Alfred | Ubu cycliste

lundi 13 novembre 2017, par sebmenard

 « Quoique nous préférions à ce tourisme des sites et monuments, sans comparaison, l’émotion esthétique de la vitesse dans le soleil et la lumière, les impressions visuelles se succédant avec assez de rapidité pour qu’on n’en retienne que la résultante et surtout qu’on vive et ne pense pas (…) »

p. 34 in. Cyclo-guide de Miran illustré, publié dans Le Mercure de France n°82 de novembre 1896

 

 

 

 « (…) il devait se servir de cette machine à engrenages pour capturer dans un drainage rapide les formes et les couleurs, dans le moins de temps possible, le long des routes et des pistes ; car servir les aliments à l’esprit broyés et brouillés épargne le travail des oubliettes destructives de la mémoire, et l’esprit peut d’autant plus aisément après cette assimilation recréer des formes et des couleurs nouvelles selon soi. »

pp. 36-37, publié dans Les jours et les nuits. Roman d’un déserteur, 1897.

 

 

 

 « LA MARCHE

La route était nationale et singulière. Le touriste qui voudra l’examiner sortira de Paris à son gré par la porte d’Italie, ou préférablement, afin de troquer le pavé contre la longue mais assez bénigne montée d’Arcueil, par la porte de Gentilly — Villejuif — Trottoir cyclable : la Belle-Épine, la Vieille-Poste, Paray, la Cour-de-France. Descente sur bas-côtés, Juvisy à gauche. Il laissera à droite M. Legay, lequel exerce la profession juste, et subtile et sœur de la mort, de marchand de sable. Montée pavée, et qui ne le sera plus, de Ris — Grande route admirable de huit mille mètres, jusqu’à Essonnes. Au coucher de soleil , les chevêches y ricanent sur les bornes kilomètriques, dédaignant les hectométriques trop basses, et de grands lièvres vous « chauvent » des oreilles en dégustant les graines dont se farcissent les crottins de cheval. À gauche, interminable Grand Mur d’Évry : quinze cents mètres. Descente sur une route de goudron funèbre. Montée pavée ou détour dans Corbeil vers une autre côte de sable égal. Le Pressoir-Prompt. La Demi-Lune. Le Plessis-Chenet… et soudain, sur cette route qui est la nationale joignant Seine-et-Oise et Seine-et-Marne, l’inscription, qui date du Premier Empire, et qui signale que cette route mène où mènent toutes les routes en général mais d’une façon fantastiquement particulière :

ROUTE DE ROME »

pp. 38-39, publié dans La Dragonne « La marche » dans le tome 3 des œuvres complèts, Gallimard 1988 p. 458)

 

 

 


Jarry, Alfred, Ubu cycliste, Éditions le Pas d’Oiseau, textes réunis par Nicolas Martin.