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Daniel Bourrion : la langue souffle, La Petite fille dans sa robe claire
samedi 26 mai 2012, par
Le mystère est entier et le restera - c’est tout l’enjeu du dispositif : à partir d’une photo s’embarquer dans une coulée de la langue et jusqu’au dernier mot.
C’est un court ensemble de textes (sept exactement) et on y voit l’auteur avancer - c’est un long souffle - et pas possible de lutter contre :
J’y arrive doucement, j’arrive doucement à ma surprise, celle qui est à la source de ça que je fais là sans y pouvoir grand-chose (...)
La langue Bourrion creuse et s’étale - non - s’étire ou bien procède par strate qu’on découvre - ce premier texte à propos des hommes - et c’est le mot homme la pelle/le pinceau pour creuser/peindre :
(...) ça serait comme une assurance contre les hommes et puis leurs armes et puis le rabot des années, ce en quoi ils ne s’étaient quasiment pas trompés, du moins concernant les hommes et leur bêtise puisque de guerre depuis il n’y avait pas eu, enfin (...)
Ou bien second texte : ça se construit autour de la photographie - et le comble alors - ou bien la clef - dire qu’on a du mal avec ce genre d’aspect de nos réalités et écrire tout un texte depuis une image
(...) je n’aime pas ces témoignages et je n’en garde aucun et malgré ça parfois il m’en arrive bien malgré moi et je ne peux qu’y regarder et essayer d’y voir quelque chose (...)
2Une archéologie ordinaire - une histoire2
À l’entrée dans la lecture le souffle de la langue embarque - cette façon de construire le texte nous emmène dans l’histoire - c’est simple et vrai - c’est cette terre qu’on sait à l’Est - le Platt - comme certains s’y sont battus - et la langue qu’on y parle :
(...) celle que j’ai parlé avant de parler l’autre me servant maintenant à raconter tout cela et à me dire que pour un peu il aurait été possible aussi que l’histoire décide de prendre d’autres chemins, il aurait été possible que les limites ne bougent pas et qu’aujourd’hui, ma langue ne soit pas celle-là (...)
Mais ne pas croire que cette langue - et son rythme - s’endorment lentement bercent - au détour du texte ça s’éclate et c’est autant la douceur de cette éruption qui secoue que son sens profond :
Je ne sais, donc, ce qu’ils vécurent devenus rats dans cette cave. Je pourrais le demander à ceux, celles plutôt qui survivent encore. Je ne ferai pas ça, ne serait-ce parce que je ne suis pas certain d’avoir la force et puis l’envie d’entendre cette histoire de sorte de fosse commune.
Voilà c’est aussi cela - une réalité - cette terre et pour celui qui en vient / y revient - la guerre - et ce qu’elle secoue des vies ordinaires.
2Écrire - l’homme2
Ce qu’on a sous les yeux dans ce texte - c’est le morceau absent de l’auteur - d’où il vient - et donc vraiment : on a sous les yeux celui qui écrit - qui avance (toujours apprécié cette façon de s’inscrire à l’intérieur du texte lui-même - en toute franchise) :
Voilà, j’avance lentement, j’écris en regardant d’un œil ce minuscule reflet d’un temps où je n’étais même pas une vague idée, même pas une possibilité, où les phrases qui me viennent étaient de pure fiction et moi de même, j’écris et je décris et je creuse dans une matière qui est la mienne quoi que j’y fasse, j’avance et je brasse cette sorte de soupe de souvenirs dont la plupart sont de seconde main quand ils ne sont pas simplement juste inventés, si cela est, si c’est possible.
On peut bien s’interroger alors sur tout ça - écrire c’est pour quoi (combien de fois cette conversation - les réponses elles-mêmes sont des tremblés de nos sens) - on n’ajoutera rien :
Je ne sais pourquoi. Je me dis que c’est peut-être ma manière de résister à l’érosion (...)
2Boîte noire |2
La petite Fille dans sa robe claire, texte de Daniel Bourrion aux éditions Publie.net.
Lecture sur l’iPod - notes prises sur Simple Note puis synchronisation via wifi sur Notational Velocity.
Relire les boîtes noires de ces deux séries de notes pour plus d’informations concernant Daniel Bourrion.
Images : la plaine et morceaux de béton d’une autre époque - Roumanie.